Assurance vie : à la recherche du bon équilibre entre rendement et risque

SCPI, mécanismes de garantie financière, unités de compte… Avec ces produits, les assureurs peuvent jouer leur rôle en dehors de la garantie du capital : en assurant la liquidité à tout moment et en sélectionnant des supports cohérents.

 

En début d’année, la part de la collecte sur les supports en unités de compte (UC) atteignait 36 %, selon la Fédération française de l’assurance (FFA). La stratégie des assureurs consistant à détourner les épargnants du fonds euros semblait porter ses fruits. Hélas, la crise boursière provoquée par le Covid-19 est passée par là, entraînant la plus violente chute de l’histoire du CAC 40.

Reste que les contraintes sur les fonds euros, quand elles existaient, n’ont pas été desserrées. Et que les taux d’intérêts ne sont pas remontés. « À ce stade, il n’y a pas de raison que la priorité mise sur les UC soit remise en question », estime Richard Bruyère, associé fondateur du cabinet de conseil Indefi. La question est donc brûlante : quelles alternatives proposer aux fonds euros, qui soient acceptables en termes de risque ?

4,40 % La performance moyenne des SCPI en 2019
Source : Institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF)

 

L’immobilier

La demande pour la pierre ne tarit pas. En 2018, l’immobilier représentait plus de 12 % de l’encours en UC. Chez certains petits assureurs, comme la MIF, les SCPI sont même les UC les plus souscrites. Selon le spécialiste de l’épargne immobilière Corum, l’assurance vie représenterait la moitié du marché des SCPI.

Ces produits séduisent du fait de leur rendement (même s’il baisse tendanciellement), et de leur faible volatilité. C’est le support vedette vendu aux assurés lorsqu’ils sont obligés de consacrer une part minimum de leur versement aux UC. La crise ne devrait pas les remettre en question, mais elle pourrait en diminuer le rendement et transformer l’offre. Selon Frédéric Puzin, président de Corum L’Épargne, le rendement moyen, du fait des mois de loyers perdus, devrait s’établir autour de 4 %. Même estimation du côté de l’observatoire des SCPI de Linxea. En revanche l’impact sur les valeurs de part devrait être très limité. Pour son produit Corum Origin, Frédéric Puzin chiffre l’impact de la crise sur l’objectif de rendement annuel à moins de 0,3 %, du fait de son approche très diversifiée.

Après une décennie d’hyperspécialisation (bureaux à Paris première couronne, logistique, santé…), la crise pourrait amener les assureurs à développer des offres de SCPI plus diversifiées. « Il y a des commerces qui ne vont pas s’en remettre. Le bureau va bien, mais tout le monde se demande si, demain, on travaillera de la même manière, surtout en région parisienne. Quant à l’immobilier de santé, on voit bien que les Ehpad ont souffert, donc on peut s’attendre à ce que des réglementations plus sévères viennent diminuer la rentabilité des exploitants, le loyer payé étant fonction du résultat global de l’exploitation, analyse Bernard Le Bras, président du directoire de Suravenir. Je pense qu’au travers des OPCI et des SCI (sociétés civiles en immobilier), les produits seront plus diversifiés. » L’avantage technique des OPCI, qui comprennent une part d’actions dans leur allocation, pour les assureurs, est aussi de requérir moins de fonds propres car ce sont des UC considérées comme liquides.

Lexique
  • UC Support d’investissement représentant une part d’un actif (actions, obligations souveraines ou d’entreprises, OPC, produits structurés, SCPI, private equity…), dont la valeur fluctue avec les marchés, comportant un risque de perte en capital.
  • SCPI Société civile de placement immobilier qui redistribue les loyers.
  • opCI Organisme de placement collectif immobilier, investi en partie en actifs financiers

 

Les produits structurés

Les produits structurés substituent à la protection assurantielle du capital une solution de protection financière à terme. Du fait de leur mécanisme, ils sont particulièrement adaptés à un contexte de marché volatil. Selon la fintech spécialisée dans ces produits Feefty, la collecte a atteint 13 Md€ en 2017, en forte progression, principalement en assurance vie, où ils sont référencés par « l’immense majorité des assureurs ». Indefi précise qu’on les trouve « aujourd’hui principalement sous format obligataire, avec une majorité d’autocalls ». Loin de leur réputation sulfureuse, ils se sont simplifiés et homogénéisés. Même l’Afer s’y est mise cette année.

Feefty indique que le rendement moyen sur les produits avec mécanisme de remboursement anticipé est d’environ 6 % par an. « Aujourd’hui il est possible de lancer des produits garantis en capital. Par exemple, un produit garanti à l’échéance, avec un coupon de 2,5 % par an si l’Eurostoxx est supérieur à son niveau actuel chaque année. » déclare Grégory Vial, le directeur général de Feefty.

Les obligations structurées sont le deuxième type d’UC le plus vendu chez Swiss Life, après les fonds profilés et devant les OPCI. Elles ont contribué au recul du fonds euros depuis 2009, explique Benjamin Proux, président du syndicat des agents de la compagnie, qui précise : « la dernière enveloppe, ouverte fin mars, est partie en une journée ». Bernard Le Bras confirme le succès des autocalls en ce moment. « La probabilité de toucher un rendement moyen supérieur à celui du fonds euros est très élevée, assure-t-il. Cela fonctionne bien car les niveaux de fixing sont bas, et la probabilité de voir le produit rappelé dans un ou deux ans est assez forte. On a éliminé depuis longtemps les produits nés il y a dix ou quinze ans de l’imagination sans limite des financiers, qui ont donné des catastrophes en termes de rendement. Sur les dix dernières années, le rendement moyen chez notre partenaire Helios est de 8 %. »

Lexique
  • Produits structurés Leur formule repose sur un coupon (rendement) et une protection du capital totale ou partielle à échéance (8-10 ans, généralement), selon une condition qui est fonction de l’évolution d’un sous-jacent. Plus on prend de risque, plus le coupon est élevé.
  • Autocall Automatiquement remboursable dès que les conditions de marché prévues sont réunies. Exemple : si à une date anniversaire l’indice de référence est supérieur à son niveau de départ, l’investisseur est remboursé de manière anticipée de son capital et encaisse les coupons. Si l’indice passe au-dessous d’une barrière prédéfinie, le coupon n’est pas payé. En fonction du niveau de baisse, le capital peut n’être remboursé que partiellement.

 

Les assemblages d’UC diversifiées

Gestion pilotée, profilée… Quelles que soient ses variantes, la gestion déléguée est l’une des réponses principales des assureurs, explique Agnès Lossi, associée, en charge des activités de gestion d’actifs chez Indefi. « Cela permet de contrôler la répartition euros / UC des portefeuilles. C’est aussi un outil marketing très efficace auprès des assurés, qui plus est rentable car facturé autour de 0,60 % », précise-t-elle. La gestion déléguée pesait près de 20 % des encours en 2018, selon le cabinet de conseil.

Pour l’épargnant, l’avantage est de pouvoir assurer la diversification (géographique et entre classes d’actifs) – une des clés de la diminution du risque – de son portefeuille, avec une répartition correspondant à son profil de risque, sans connaissances financières et sans y consacrer un temps fou.

Ce n’est pas la seule piste, mais l’innovation est difficile, comme le prouve la tentative de MACSF. Avant la crise, la mutuelle d’assurance des professionnels de santé s’apprêtait à lancer une UC réunissant deux fonds non corrélés dans le temps, du gérant M & G, selon une clé de répartition étudiée longuement, qui aurait permis de servir un rendement lissé et constant. La mutuelle aurait été la première à proposer un assemblage de ce type. Mais la crise a montré que les calculs mathématiques les plus savants, en matière de finance, n’étaient jamais infaillibles. « L’un des deux fonds a décroché de 14 % depuis la crise. L’offre était devenue invendable en l’état, il était injustifiable d’avoir cette volatilité pour un niveau de SRRI 3. Donc nous l’avons purement et simplement abandonnée », se désole Roger Caniard, directeur financier de la MACSF. En attendant, la mutuelle a élargi sa gamme de profils permanents, auxquels ont souscrit 50 % de ses assurés. Le gros problème à résoudre est celui de la volatilité. « Les offres d’UC sont entièrement dépendantes des effets marchés. Il faut s’extraire de cette volatilité », martèle Richard Bruyère. Comment ? Une réponse est de « donner accès à des supports moins volatils, mais peu liquides, que l’on retrouve habituellement dans les actifs généraux » (infrastructures, immobilier, non coté…).

C’est ce que s’apprête à faire CNP Assurances en créant de nouvelles UC, nous confie Olivier Guigné, son directeur des investissements. « Les investisseurs institutionnels comme CNP ont une carte à jouer : ils peuvent exploiter leur savoir-faire et leur bilan sur l’immobilier, les infrastructures, le private equity, et donner ainsi l’accès en UC à des actifs attractifs et bien connus, explique-t-il. Cela passera certainement par davantage d’interactions entre l’actif et le passif de l’assureur afin de pouvoir étendre la gamme de services proposés, notamment en termes de liquidité et de sourcing. »

Lexique
  • SRRI Indicateur synthétique de risque et de performance. échelle de risque de 1 à 7 qui mesure le niveau de risque moyen d’un produit financier, basé sur sa volatilité.
  • Gestion profilée Le souscripteur confie l’allocation à l’assureur, selon un modèle de répartition prédéfini et fixe entre fonds euro et UC, en fonction d’un niveau de risque.
  • Gestion pilotée L’allocation est évolutive et opérée sur les conseils d’une société de gestion d’actifs.

 

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